Exposé des Allégations: Dans l'affaire de Bernard Boily

Other

DANS L'AFFAIRE DE LA LOI SUR LES VALEURS MOBILIÈRES
L.R.O. 1990, c. S.5, AMENDÉE

– ET –

DANS L'AFFAIRE DE BERNARD BOILY

EXPOSÉ DES ALLÉGATIONS DES MEMBRES DU
PERSONNEL DE LA COMMISSION DES VALEURS MOBILIÈRES DE L'ONTARIO



Les membres du personnel de la Commission des valeurs mobilières de l'Ontario (« le personnel ») énoncent les allégations suivantes :

I. L’INTIMÉ

1. L’intimé, Bernard Boily (« M. Boily »), a pratiqué la profession de géologue pendant plus de 27 ans. Il a occupé le poste de vice-président (Explorations) ainsi que celui de personne qualifiée (telle que définie ci-dessous) pour Bear Lake Gold Ltd. (« Bear Lake ») jusqu'à son licenciement le 3 novembre 2009.

II. RÉSUMÉ DE LA POSITION DU PERSONNEL

2. Ceci est un cas flagrant de fraude par une personne qualifiée. Entre les mois de décembre 2007 et juillet 2009 (la « période importante »), M. Boily a manipulé et gonflé les résultats des titrages liés au projet de l'exploitation aurifère du lac Larder par Bear Lake. Ce projet constituait le projet et l’actif principal de Bear Lake. M. Boily a ensuite entraîné la transmission de ces résultats erronés dans des communiqués de presse émis par l'entreprise au cours de cette période.

3. De plus, M. Boily a contrecarré le travail des personnes qualifiées indépendantes engagées par Bear Lake pour vérifier les données du projet du lac Larder et a induit ces personnes en erreur. Entre autres, M. Boily a fourni des bases de données de titrage manipulées, des certificats de titrage altérés, des registres de carottage de puits falsifiés et il a fourni d'autres renseignements erronés aux personnes qualifiées indépendantes. M. Boily a également remanié et remplacé les carottes qui étaient vérifiées par eux afin de parfaire sa supercherie.

4. En adoptant ce comportement, M. Boily a commis une fraude et une manipulation du marché, en contravention des paragraphes 126.1 (a) et 126.1(b) de la Loi sur les valeurs mobilières (la « Loi »); il a émis des déclarations trompeuses et erronées en contravention du paragraphe 126.2(1) de la Loi; et il a adopté un comportement qui s'est avéré non seulement contraire à l'intérêt public, mais également préjudiciable à l'intégrité des marchés des capitaux de l'Ontario.

III. TOILE DE FOND

(a) Bear Lake Gold Ltd.

5. Bear Lake est une entreprise d'exploration aurifère constituée en Ontario. L'entreprise est un émetteur assujetti en Ontario avec des actions cotées sur le TSX Venture Exchange (« TSX-V ») sous le sigle de cotation « BLG ». Bear Lake était autrefois connu sous le nom de NFX Gold Inc. (« NFX ») et a été constituée le 19 juillet 1996. En septembre 2008, NFX a effectué l’acquisition de Maximus Ventures Ltd. (« Maximus ») (qui était à l’époque un émetteur assujetti avec des actions cotées sur le TSX-V) et a subséquemment changé son nom à Bear Lake. Sauf avis contraire, toute référence à Bear Lake fait aussi référence à NFX et à Maximus.

6. Au cours de la période importante, Bear Lake a maintenu un projet d'exploitation minière dans le secteur aurifère du lac Larder (le « projet du lac Larder »), situé au nord-est de l'Ontario. Le projet constituait le projet et l’actif principal de l’entreprise.

(b) L’intimé

7. M. Boily réside à Blainville, au Québec. Tout au long de la période importante, M. Boily travaillait comme géologue, directeur et (par la suite) vice-président des explorations ainsi que comme personne qualifiée (telle que définie par le Règlement 43-101 sur l'information concernant les projets miniers1) (« personne qualifiée ») pour Bear Lake.

8. En tant que personne qualifiée, M. Boily a joué un rôle essentiel sous le régime du droit ontarien des valeurs mobilières pour l'entreprise. Entre autres, le Règlement 43-101 exigeait :

  1. que toute divulgation d'information scientifique ou technique préparée par Bear Lake concernant un projet minier sur un terrain important de l’entreprise devait être fondée sur des renseignements préparés par sa personne qualifiée ou sous la supervision de cette dernière (article 2.1); et
  2. que Bear Lake présente dans toutes les divulgations écrites, le nom de la personne qualifiée qui a préparée ou supervisée la préparation des renseignements scientifiques ou techniques divulgués concernant un tel projet minier et que la personne qualifiée ait vérifié les données divulguées (article 3.1 et 3.2).

9. Tout au long de la période importante, la projet du lac Larder était un projet minier situé sur un terrain important de Bear Lake. Bear Lake a publié plusieurs communiqués de presse dans lesquels on faisait mention des résultats scientifiques et / ou techniques positifs relatifs aux résultats aurifères de ce projet. Pendant la période importante, les communiqués de presse nommaient M. Boily à titre de personne qualifiée et mentionnait que le contenu technique de l’information véhiculée dans les communiquées était revisée et / ou approuvé par ce dernier.

(c) Annonce des discordances des données d'exploration

10. Le 21 juillet 2009, Bear Lake a annoncé que l'entreprise avait découvert des « discordances matérielles » concernant ses résultats d'exploration pour le projet du lac Larder. L'entreprise a également remarqué que les discordances semblaient « sérieuses » et pourraient entraîner des « réductions significatives des valeurs aurifères pour certains des intercepts de forage précédemment annoncés ». Les actions de Bear Lake avaient précédemment été suspendues le 17 juillet 2009 dans l’attente d’un communiqué de l’entreprise.

11. Une enquête interne a immédiatement débuté avec un consultant indépendant, Scott Wilson Roscoe Postle Associates Inc. (aujourd’hui connu sous le nom Roscoe Postle Associates Inc.) (« RPA»), qui a été engagé pour diriger l'enquête technique.

12. Le 24 juillet 2009, Bear Lake a retiré tous ses résultats précédemment annoncés pour le projet du lac Larder et a annoncé aux investisseurs qu'ils ne devaient pas se fier aux résultats.

(d) Confirmation des discordances des données d'exploration

13. Le 3 novembre 2009, Bear Lake a annoncé que RPA avait essentiellement terminé son enquête technique. L'enquête a confirmé que les données d'exploration pour le projet du lac Larder avaient effectivement été compromises. Au total, RPA a identifié des discordances liées à environ 140 titrages au sein de la base de données de titrage de Bear Lake (la « base de données de titrage »).

14. Parmi les 58 intercepts de puits de forage signalés dans les communiqués de presse, RPA a déterminé que 24 des intercepts (41 %) étaient affectés par des titrages non soutenus. Lorsque comparés aux données vérifiées, il a été déterminé que seul 7 des 24 intercepts concernés conservaient un intercept significatif.

15. De surcroît, Bear Lake a aussi fourni des résultats d’exploration redressés pour les intercepts préalablement déclarés. Les valeurs aurifères des intercepts préalablement divulguées étaient, dans certains cas, plus de 1000% supérieures aux valeurs redressées. Par exemple, les résultats préalablement divulgués du puits n° 57 AW ont indiqué une valeur aurifère de 15,1 g/t comparativement aux résultats redressés qui ont démontré un résultat de seulement 0.6 g/t. Ces résultats représentaient une différence de plus de 2400%.

16. Les différences importantes entre les résultats originaux et les résultats redressés comprenaient les différences suivantes :

 

 

Déclaré

Redressé

Différence

Communiqué

 

 De

 À

Type

 Au

 Au

Au

de presse

Numéro de puits

 (m)

 (m)

de minéralisation

 (g/t)

 (g/t)

(%)

4 juin 2008

      38

555,2

558,1

Écoulement

       6,5

           0,7

828 %

19 mai 2009

44W2

687

688,5

Carbonaté

       8,5

           2,6

226 %

 

 

695

703,5

Carbonaté

      10,6

           3,6

194 %

 

Y compris

695

698,5

 

      18,3

           5,1

258 %

14 juillet 2009

56A

1 221,5

1 222,6

Flux

      23,4

           3,1

654 %

26 mars 2009

57AW

1 636,5

1 638

Flux

      15,1

           0,6

2 416 %

14 juillet 2009

59

1 133

1 136,5

Carbonaté

      10,5

           1,7

517 %

14 juillet 2009

59W

1 466,8

1 469,6

Flux

       6,7

           2,5

168 %

19 mai 2009

64

619,5

624,6

Carbonaté

       9,9

           3

230 %

 

Y compris

622,3

624,6

 

      14,9

           4,5

231 %

 

 

754

759

Flux

       5,4

           0,2

2 600 %

9 juin 2009

66

615,5

625,1

Carbonaté

       8,4

           0,6

1 300 %

 

Y compris

615,5

618,2

 

      10,6

           0,9

1 077 %

14 juillet 2009

67

719,7

727,2

Carbonaté

      10,4

           4

160 %

14 juillet 2009

70

475,5

480

Carbonaté

      11

           0

% S.O.

17. Au 3 novembre 2009, RPA ne pouvait vérifier les valeurs aurifères significatives qui avaient été rapportées à l'origine par Bear Lake pour le puits n° 49 (19,4, 27,9 et 76,1 g/t). De nouveaux forages réalisés pour ce puits ont produit les résultats suivants : 0,29, 1,74 et 4,74 g/t.

(e) Caractère important des renseignements

18. Les opérations de courtage sur les actions de Bear Lake ont repris le 28 juillet 2009. À la reprise des opérations de courtage sur les actions, le cours de l'action de Bear Lake avait diminué de façon significative. Ce jour-là, le cours de l'action était coté à la fermeture à 0,24 $, représentant une diminution de 66 % du cours de l'action à la fermeture de 0,71 $ avant l'interruption (17 juillet). Le cours de l'action à la fermeture reflétait une perte de capitalisation boursière pour ce jour uniquement à plus de 42 millions de dollars.

19. Pendant plus d'un an, le cours de l'action de Bear Lake est demeuré à ou sous les 0,30 $.

IV. CONDUITE CONTRAIRE AU DROIT ONTARIEN DES VALEURS MOBILIÈRES ET À L'INTÉRÊT PUBLIC

(a) M. Boily a manipulé les résultats de titrage et a préparé des communiqués de presse trompeurs / faux

20. M. Boily a manipulé les données de titrage et était responsable des teneurs erronées et excessives signalées dans les communiqués de presse de Bear Lake. Entre autres, M. Boily :

  1. A altéré des certificats d'analyses – a altéré des certificats d’analyses (« certificats d’analyses ») reçus de laboratoires (à la fois des exemplaires électroniques et sur papier) avec des valeurs aurifères gonflées, avant d'entrer ces résultats dans la base de données de titrage de Bear Lake. M. Boily a également altéré ces certificats d'analyse en : supprimant des résultats défavorables; entrant des résultats d'échantillon fabriqués; manipulant les dates des certificats d'analyse; et en manipulant les signatures du personnel du laboratoire qui a certifié les résultats. M. Boily a détruit les certificats d'analyse originaux qui contredisaient ses certificats d'analyse altérés;
  2. A entré des résultats de titrage manipulés dans la base de données de titrage – entré des résultats de titrage manipulés et gonflés dans la base de données de titrage de Bear Lake, au lieu des données réelles comprises dans les certificats d'analyses reçues des laboratoires. Ces manipulations comprenaient des résultats de valeurs aurifères gonflés ainsi que des longueurs et des largeurs erronées de carottes pour les intercepts de puits;
  3. A sélectionné des résultats de titrage avec des valeurs aurifères supérieures – a parfois reçu des résultats multiples d'un laboratoire pour le même échantillon (notamment à des fins de contrôle de la qualité) et a sélectionné les résultats les plus favorables comprenant la valeur aurifère la plus élevée, contrairement à la pratique du secteur. M. Boily a entré les valeurs aurifères les plus élevées dans la base de données de titrage et a détruit les certificats d'analyse contradictoires.
  4. A préparé des communiqués de presse trompeurs– a préparé des communiqués de presse pour Bear Lake qui contenaient les données manipulées et gonflées lesquelles sont mentionnées ci-dessus; ces données ont par la suite été émises sur le marché. Les résultats manipulés étaient souvent mis en évidence dans les communiqués de presse de Bear Lake et ils étaient accompagnés de commentaires techniques qui mettaient en évidence les « résultats de teneur élevée » qui auraient permis de déterminer des « teneurs en or qui étaient à la fois fortes et profondes », des « extensions et une continuité plus profonde » pour la zone aurifère de Bear Lake, et « l'intensité » et « le potentiel important » d'un « système minéralisateur aurifère solide » pour Bear Lake qui « reste (restait) ouvert aux profondeurs ».

21. Dans un communiqué de presse daté du 14 juillet 2009, Bear Lake annonçait des résultats supplémentaires pour les intercepts de puits de forage qui avaient subi un nouveau titrage en raison de tellurures « suspects ». Plusieurs résultats de ces nouveaux échantillons étaient mis en évidence par Bear Lake comme étant une « augmentation significative de la teneur en or » qui « devrait avoir un impact positif sur les estimations futures des ressources ». Ces derniers résultats de titrage étaient tous fabriqués par M. Boily. Dans certains cas, M. Boily avait gonflé à nouveau les valeurs aurifères qu'il avait déjà gonflées dans des communiqués de presse précédents.

(b) M. Boily a trompé des personnes qualifiées indépendantes

22. En plus des éléments présentés ci-dessus, M. Boily a contrecarré les enquêtes des personnes qualifiées indépendantes (« personnes qualifiées indépendantes ») engagées par Bear Lake pour vérifier les données du projet du lac Larder. De plus, il a induit ces personnes en erreur. Les personnes qualifiées indépendantes avaient été engagées par Bear Lake afin de préparer un rapport technique soutenant l'estimation des ressources minérales pour le projet, tel que cela est requis par l'article 5.3 (« rapport technique indépendant » ) du Règlement 43-101. Entre autres, M. Boily a :

  1. Fourni des certificats d'analyses altérés et des bases de données de titrage manipulées aux personnes qualifiées indépendantes – a fourni des certificats d'analyses et des bases de données de titrage qu'il avait lui-même manipulés aux personnes qualifiées indépendantes, notamment des résultats aurifères gonflés. M. Boily a également intentionnellement omis de ces bases de données les résultats de titrage des puits de forage en biseau qui présentaient des taux de récupération de carottes faibles au sein de la zone minéralisée afin d'éviter qu'une personne qualifiée indépendante ne puisse éventuellement diminuer l'estimation des ressources;
  2. A remplacé des carottes vérifiées par la personne qualifiée indépendante – a fourni à une personne qualifiée indépendante une carotte d'un puits qu'il présentait comme étant la carotte du puits n° 57AW alors que la carotte provenait d’un puits différent. Les résultats publiés pour ce puits n° 57AW, indiquaient publiquement qu'il contenait 15,1 g/t d'or, cependant, la personne qualifiée indépendante a conclu qu’il ne contenait qu'une quantité négligeable (0,6 g/t) (voir le tableau ci-dessus). M. Boily a remplacé la carotte afin de tromper la personne qualifiée indépendante;
  3. A fourni des registres de carottage de puits falsifiés à la personne qualifiée indépendante - a entraîné l'altération des données au sein d'un registre de carottage pour le puits n° 57AW. Le registre a ensuite été remis à une personne qualifiée indépendante afin de pousser plus loin la supercherie de M. Boily en ce qui concerne les résultats aurifères du puits n° 57AW; et
  4. A fourni des renseignements erronés supplémentaires aux personnes qualifiées indépendantes – a fourni des renseignements erronés supplémentaires aux personnes qualifiées indépendantes afin de les tromper, notamment des indications fausses pour expliquer les discordances rencontrées par les personnes qualifiées indépendantes au cours du processus de vérification des données ainsi que des renseignements erronés quant à la disponibilité du matériel de carottage et d'échantillonnage aux fins de vérification des données.

23. C'est uniquement après la découverte de son action fautive que M. Boily a reconnu avoir commis certaines des actions fautives décrites aux paragraphes 20 à 22 ci-dessus.

(c) Fraude, manipulation du marché, déclarations fausses et trompeuses et conduite contraire à l'intérêt public

24. Le personnel prétend qu'en altérant les certificats d'analyse, en manipulant les bases de données de titrage et en entraînant l'émission de communiqués de presse qui contenaient des résultats aurifères gonflés et en adoptant la conduite décrite ci-dessus, M. Boily a adopté une conduite pour laquelle il savait, ou il aurait raisonnablement dû savoir, constituait une fraude et qui donnait lieu à ou qui contribuait à un cours artificiel des valeurs mobilières de Bear Lake, en contravention des paragraphes 126.1 (a) et (b) de la Loi.

25. Le personnel prétend ensuite que les communiqués de presse préparés par M. Boily comprenaient également des déclarations trompeuses et fausses en ce qui concerne les résultats aurifères pour le projet du lac Larder, et dont M. Boily savait, ou aurait raisonnablement dû savoir, qu'elles pouvaient raisonnablement entraîner un effet significatif sur le prix ou la valeur du marché des valeurs mobilières de Bear Lake, en contravention du paragraphe 126.2 (1).

26. Le personnel prétend ensuite que la conduite de M. Boily décrite ci-dessus était contraire à l'intérêt public et préjudiciable à l'intégrité des marchés des capitaux de l'Ontario.

27. Le personnel se réserve le droit d'énoncer d'autres allégations que le personnel peut conseiller et que la Commission peut autoriser.

 

DATÉ À TORONTO ce 29e jour de mars 2011.

 

 


1 Personne qualifiée : un individu qui (i) est un ingénieur ou un géoscientifique qui compte au moins 5 ans d'expérience dans le domaine de l'exploration minérale, de l'aménagement ou de l'exploitation de mines, ou de l'évaluation de projets miniers, ou dans une combinaison de ces domaines; (ii) a une expérience pertinente à l'objet du projet minier et du rapport technique; et (iii) est membre en règle d'une association professionnelle (article 1.1, NI 43-101).